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Les interactions entre les autorités fiscales et judiciaires, les plans gouvernementaux et mécanismes pour lutter contre la fraude fiscale, les procédures et obligations fiscales, les sanctions pour inexactitudes et les aspects clés du projet de loi de finances pour 2024

Tribune - CJIP et contrôle fiscal : quelles interactions entre la DGFiP et le Parquet ?

27/02/2023

Le Parquet national financier (PNF) a publié le 16 janvier 2023 les lignes directrices sur la mise en œuvre de la convention judiciaire d'intérêt public (CJIP). Cet instrument transactionnel applicable aux personnes morales, publiques et privées, a été introduit dans le droit pénal français par la loi dite « Sapin 2 » de 2016. Son champ d'application a été étendu à la fraude fiscale en 2018. Ces lignes directrices se veulent un instrument de prévisibilité et de sécurité juridique. Thierry Viu, avocat counsel chez CMS Francis Lefebvre Avocats, analyse les interactions entre les procédures fiscales et pénales et en tire des enseignements sur les conditions de mise en œuvre de la CJIP.

  • Thierry VIU

La convention judiciaire d'intérêt public (CJIP) est devenue un instrument juridique très connu des entreprises qui font notamment l'objet d'une plainte pour fraude fiscale ou d'une dénonciation obligatoire au Parquet pour fraude fiscale par l'administration fiscale (DGFiP) lorsque sont satisfaites certaines conditions relatives au quantum des suppléments d'imposition (plus de 100 000 €) et au niveau des pénalités (40 %, 80 %) ou à leur réitération.

Du fait de ses propriétés, qui permettent d'éteindre l'action publique sans les conséquences d'une condamnation judiciaire, la CJIP présente, en effet, un intérêt non négligeable pour les entreprises.

Alors qu'en raison du principe de séparation des pouvoirs, la procédure fiscale conduite par la DGFiP et la procédure pénale mise en œuvre par les autorités judiciaires sont autonomes, les récentes lignes directrices du Parquet national financier (PNF) relatives à la mise en œuvre de la convention judiciaire d'intérêt public (CJIP) tendent, au contraire, à créer des passerelles entre ces procédures.

Quels sont les principaux enseignements qui peuvent être tirés de ces lignes directrices sur la procédure fiscale ?

1er enseignement : pas de CJIP sans accord du contribuable avec la DGFiP

La CJIP (Code de procédure pénale art.41-1-2) permet aux seules entreprises (personnes morales), moyennant le paiement d'une amende et après validation par le Président du tribunal judiciaire, d'éviter les aléas liés à un procès et surtout de poursuivre leur activité économique.

Les lignes directrices indiquent explicitement (§2.1.5) qu'une « issue fiscale » doit être trouvée préalablement ou concomitamment à la conclusion d'une CJIP. Concrètement, cela signifie que l'entreprise doit avoir trouvé un accord avec la DGFiP : une acceptation unilatérale des rectifications, un règlement d'ensemble portant sur l'assiette des droits et qui peut prendre des formes multiples comme le dépôt de déclarations rectificatives et/ou une transaction fiscale (LPF art. L 247) portant sur les pénalités.

Les choses sont donc claires : il n'est pas possible d'envisager la conclusion d'une CJIP aussi longtemps qu'il existe une contestation des suppléments d'imposition, y compris au stade contentieux.

Cette condition, non prévue par les textes, mais qui vise probablement à traduire l'exigence de réparation du préjudice causé à la victime (la DGFiP), est de nature à dissuader les entreprises de contester les rectifications dont elles font l'objet et à accélérer le recouvrement pour le Trésor public.

Pourtant :

  • les positions respectives du contribuable et de la DGFiP peuvent être inconciliables  ;
  • l'acceptation de la position de la DGFiP ou même d'un compromis dans le cadre d'un règlement d'ensemble peut comporter des conséquences pour l'avenir de nature à nuire à l'activité de l'entreprise.

Il y a donc un choix binaire à faire pour les entreprises concernées par des plaintes pour fraude fiscale ou des dénonciations obligatoires de leur affaire au Parquet :

  • soit il est objectivement impossible de trouver un accordavec la DGFiP et l'entreprise devra alors engager ou poursuivre une procédure contentieuse en matière fiscale et le Parquet, à l'issue de l'enquête judiciaire, pourra soit classer sans suite l'affaire, soit la transmettre à un juge d'instruction ou encore poursuivre directement l'entreprise devant le tribunal correctionnel. Toutefois, aucune condamnation pénale pour fraude fiscale n'est possible dans l'hypothèse d'une décision juridictionnelle définitive, pour un motif de fond, de décharge des suppléments d'imposition (QPC n°2016-546 du 24 juin 2016, §13) ;
  • soit un accord peut être trouvéavec la DGFiP et dans ce cas la voie de la CJIP est ouverte, ce qui permet d'éviter les aléas d'une procédure pénale mais comporte alors un coût budgétaire lié au paiement d'une amende dont le montant peut être important.

Il convient de souligner que ces lignes directrices ne concernent que le Parquet. La DGFiP reste le seul interlocuteur des contribuables dans le cadre de la procédure fiscale et les éventuels accords (règlement d'ensemble et/ou transaction) avec ces derniers relèvent de sa seule responsabilité.

En revanche, l'accord avec la DGFiP peut être concomitant à la conclusion de la CJIP. Cela signifie que des échanges parallèles peuvent intervenir entre le contribuable et, d'une part, le Parquet, d'autre part la DGFiP. Il n'existe pour autant pas de « guichet commun » à la DGFiP et au Parquet qui serait institutionnalisé, même si des échanges peuvent intervenir sur chaque affaire entre ces deux autorités.

2ème enseignement : la collaboration entre le Parquet et la DGFiP

Avant toute CJIP, il y a obligatoirement une enquête judiciaire dans le cadre de laquelle des éléments de preuve caractérisant une infraction pénale vont être recherchés.

Les lignes directrices du PNF réaffirment, après une précédente circulaire du 7 mars 2019, qu'en matière fiscale, il existe une coopération entre la DGFiP et le Parquet. Les investigations du Parquet sont donc menées « en coordination » avec la DGFiP (§2.1.2). Il va de soi que, compte tenu de la technicité nécessaire à l'application de la loi fiscale, l'apport de la DGFiP est indispensable au Parquet. Il faut d'ailleurs rappeler que les services de la DGFiP sont déliés du secret fiscal vis-à-vis du Parquet (LPF art. L 142 A), y compris hors procédure judiciaire. Des échanges peuvent donc survenir entre la DGFiP et le Parquet avant même l'envoi de la proposition de rectification et sans que le contribuable n'en soit informé.

Cette collaboration est d'autant plus indispensable que, s'agissant des affaires qui font l'objet d'une dénonciation automatique au Parquet, la DGFiP transmet uniquement des pièces de procédure et une fiche synthétique. Il appartient ensuite au Parquet d'exploiter ces informations et d'en tirer les éléments nécessaires à la caractérisation d'une infraction pénale.

Pour mener son enquête, le PNF peut notamment s'appuyer sur le service d'enquêtes judiciaires des finances (SEJF) créé en 2019 au sein du ministère en charge du budget et qui relève de la DGFiP et de la direction des douanes et droits indirects (DGDDI).

Quoiqu'il en soit, la réaffirmation de cette collaboration entre le Parquet et la DGFiP dans les lignes directrices du PNF milite pour que, dès le début de la procédure de contrôle fiscal, le risque pénal soit pris en compte par les entreprises. Cela doit conduire nécessairement, en fonction des particularités propres à chaque affaire, à une approche adaptée dans les échanges avec la DGFiP (modalités de rédaction des réponses à la DGFiP, recherches de règlements d'ensemble etc.).

3ème enseignement : la prise en compte de la spontanéité de la démarche du contribuable contrôlé

Les lignes directrices du PNF indiquent (§2.1.3) que, dans le cadre de la négociation de la CJIP, une coopération de bonne foi de l'entreprise est requise. La révélation spontanée des faits au Parquet constituerait ainsi un gage de bonne foi pris en compte à un double niveau :

  • au moment de l'entrée en négociation avec le PNF: dans ce cadre, les lignes directrices indiquent que la personne morale doit collaborer activement, notamment en fournissant toutes les informations nécessaires (rapport d'enquête interne) ;
  • pour le calcul de l'amende: le caractère spontané de la démarche de l'entreprise est également pris en compte comme un facteur minorant, parmi d'autres, dans le calcul de l'amende. L'influence de ce facteur minorant est loin d'être neutre puisque, selon le PNF (§3.1.1), le plafond de l'amende d'intérêt public doit être fixé à 30 % du chiffre d'affaires consolidé moyen annuel du groupe au titre des 3 derniers exercices. Le fait de retenir le chiffre d'affaires consolidé du groupe auquel l'entreprise appartient au lieu du chiffre d'affaires propre de l'entreprise concernée, alors même que le texte de loi ne fait référence qu'à la notion de « chiffre d'affaires » conduit à majorer considérablement le montant maximal de l'amende.

En matière fiscale, il n'existe à ce jour aucune CJIP qui fasse état d'une véritable autodénonciation spontanée de la part d'un contribuable, c'est-dire sans l'existence ou la perspective d'une plainte pour fraude fiscale de la DGFiP ou d'une dénonciation automatique au Parquet.

Evidemment, il reste en théorie possible qu'une entreprise décide de régulariser sa situation fiscale en dehors de toute procédure de contrôle fiscal et estime qu'il convient également de faire une forme de régularisation pénale en prenant contact avec le Parquet pour négocier une CJIP. Cela étant, dans une telle situation, l'entreprise s'adressera d'abord au service de mise en conformité (SMEC) de la DGFiP pour déposer des déclarations rectificatives. Il est alors explicitement prévu qu'il n'y a pas de dénonciation automatique au Parquet (LPF art. L 228) et il est, en pratique, difficilement envisageable que la DGFiP porte plainte pour fraude fiscale.

Une question qui se pose en pratique est celle d'une prise de contact avec le Parquet en vue de négocier une CJIP lorsqu'un contrôle fiscal est en cours et qu'il est quasi-certain que le Parquet en sera informé.

Il n'est pas possible de répondre de façon générale à cette question mais certains critères doivent être pris en compte parmi lesquels :

  • les conséquences, y compris futures, d'un accord avec la DGFiP sur les rehaussements ;
  • la forme et le contenu de l'accord avec la DGFiP ;
  • la nature exacte des pénalités appliquées ;
  • l'absence ou l'existence d'une intention de frauder ;
  • le gain financier potentiel lié à la minoration de l'amende d'intérêt public du fait de la spontanéité de la démarche ;
  • le risque pour l'activité de l'entreprise d'une procédure pénale avec le cas échéant une mise en examen.

Le plan du Gouvernement contre la fraude fiscale

Communiqué du 9-5-2023 n° 823

Intensification des contrôles, renforcement des moyens de la DGFiP et de la DGDDI, contrôle spécifique des opérations internationales et durcissement de la réponse pénale sont les thèmes du plan de lutte contre la fraude de Bercy.

Le ministre chargé des comptes publics a présenté le 9 mai le plan du Gouvernement pour lutter contre la fraude fiscale et douanière, qui sera complété de mesures de lutte contre la fraude sociale.

Parmi les objectifs annoncés, on relèvera :

  • l'intensification des contrôlesfiscaux des personnes physiques (+ 25 % d'ici 2027), particulièrement les plus gros patrimoines, et des plus grands groupes ;
  • le renforcement des enquêtes douanièresnotamment dans le e-commerce (fret express et postal, particulièrement) ; signalons à cet égard que le projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, qui sera examiné au Sénat à partir du 24 mai, prévoit la mise en conformité du droit de visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes visé à l'article 60 du Code des douanes après son invalidation à compter du 1er septembre 2023 par le Conseil constitutionnel ( Cons.const. 22-9-2022 no 2022-1010 QPC) ;
  • une augmentation des effectifsdu contrôle fiscal et de la lutte contre la fraude fiscale (+ 15 % d'ici 2027), notamment ceux de la police fiscale et du contrôle douanier du e-commerce, et la création d'une cellule de renseignement fiscal en charge des fraudes les plus complexes en matière par exemple de dissimulation d'avoirs dans les paradis fiscaux et les entités opaques comme les trusts ; s'agissant des intermédiaires, il serait créé un délit d'incitation à la fraude fiscale à l'encontre des personnes qui proposent via internet ou les réseaux sociaux et commercialisent des outils juridiques et financiers destinés à dissimuler des revenus ou patrimoine.

Le ministre dévoile par ailleurs quelques mesures qui devraient figurer dans le prochain projet de loi de finances pour 2024 :

  • abaissement du seuil de chiffre d'affaires à partir duquel les entreprises sont tenues de tenir une documentationcomplète sur leur politique de prix de transfert. Cette obligation prévue à l'article L 13 AA du LPF s'impose actuellement à partir de 400 M € de chiffre d'affaires ;
  • allongement du délai de repriseen matière de transfert d'actifs incorporels afin d'en mieux contrôler le prix de cession et sa conformité avec les règles de l'OCDE ;
  • création, en cas de manquements graves, d'une sanction d'indignité fiscaleconsistant en la privation temporaire du bénéfice de crédits d'impôts ou de réductions d'impôt.

Le détail de ces mesures devrait être précisé lors de la présentation d'un plan global de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques.

Toute taxation d'office pour défaut de justifications relève de la commission des impôts directs

CE 5-7-2023 n° 467992

Le contribuable taxé d'office pour défaut de justifications peut saisir la commission quelle que soit la matière sur laquelle porte le désaccord.

La possibilité donnée par l'article L 76 du LPF au contribuable taxé d'office en application de l'article L 69 du même Livre à l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'est pas restreinte aux seuls cas dans lesquels le désaccord porte sur les matières mentionnées à l'article L 59 A, I du LPF, au titre desquelles cette commission est compétente dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire.

A noter : Le Conseil d'État s'appuie sur les travaux préparatoires de la loi 87-502 du 8 juillet 1987, dont les dispositions de la dernière phrase du premier alinéa de l'article L 76 du LPF sont issues. Il considère que le législateur a délibérément visé, dans ces dispositions, l'article L 59 du LPF et non l'article L 59 A. Il relève en outre que la commission siège, dans ce cadre, dans la composition spécifique visée à l'article 1651 F du CGI.

En l'espèce, le contribuable reprochait à l'administration de ne pas l'avoir informé qu'il avait le droit de saisir la commission. La cour administrative d'appel avait écarté ce moyen au motif que les revenus en cause avaient été taxés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et échappaient donc à la compétence de la commission telle que définie par l'article L 59 A du LPF. Le Conseil d'État censure ce motif lié à la compétence de la commission, mais considère que l'administration n'est pas tenue d'informer le contribuable de cette possibilité de la saisir.

Interview - La TVA, une taxe à recentrer sur son objectif de rendement pour les finances publiques

Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a publié en février 2023 un rapport consacré à la TVA dans lequel il appelle à recentrer cette taxe sur son objectif de rendement pour les finances publiques. Ce rapport s'appuie sur cinq rapports particuliers dont un rapport sur le cadre juridique de la TVA, rédigé par François-René Burnod, auditeur au Conseil d'Etat. Celui-ci répond à quelques questions sur les problématiques clés abordées dans ces travaux.

  • François-René Burnod

Béatrice Hingand : Avant d'aborder les principales recommandations contenues dans le rapport sur la TVA publié par le CPO en février dernier, pouvez-vous nous présenter le Conseil des prélèvements obligatoires ?

F-R Burnod : Le Conseil des prélèvements obligatoires a été créé en 2001 et a pris la suite du Conseil des impôts. C'est un organisme consultatif associé à la Cour des comptes dont la mission est d'analyser l'évolution de la fiscalité et ses impacts en France et de formuler toute recommandation y afférente.

Le CPO est présidé par le premier président de la Cour des comptes et est animé par un collège de 16 membres, composé à parts égales de 8 hauts fonctionnaires et magistrats, et 8 de personnalités qualifiées de la société civile (professeurs d'université, élus, praticiens du secteur privé, directeurs fiscaux, avocats). Le CPO a la particularité d'être indépendant du gouvernement en particulier, dont il ne reçoit pas d'instruction et qui ne le missionne pas. Le CPO choisit lui-même sa programmation d'étude avec pour objectif d'informer et d'éclairer le citoyen et de nourrir le débat public sur les évolutions de la fiscalité en France.

BH : Pourquoi le CPO a-t-il choisi de s'interroger sur la TVA en 2023 ?

F-R B : Le CPO a choisi le thème de la TVA pour son rapport annuel de 2023, huit ans après son dernier rapport sur ce même thème en 2015. Ce choix est guidé par le contexte économique marqué par l'inflation, la guerre en Ukraine, la sortie de crise sanitaire et par cette préoccupation majeure qu'est devenu le changement climatique qui ne transparaissait pas dans les réflexions du CPO en 2015 : on entend souvent dans le débat public que la TVA pourrait être une réponse à ces problèmes.

Par ailleurs, l'intérêt pour le CPO de revenir sur la TVA en 2023 tient aux nombreuses mutations qui touchent cet impôt depuis 2015 et qui ont et auront un impact fort dans la vie des entreprises : le groupe TVA pour les entreprises, l'option pour la TVA pour certains secteurs exonérés, la facturation électronique et la déclaration électronique des transactions (e-reporting), la transmission des données bancaires par les prestataires de services de paiement pour le contrôle de la fraude à la TVA, la réforme des taux réduits et le régime des opérations complexes.

BH : Quelles sont les principales recommandations contenues dans le rapport du CPO sur la TVA ?

F-R B : Les deux principaux messages de ce rapport sont les suivants. D'une part, la TVA doit avoir pour objectif prioritaire le financement des services publics. Avec un poids budgétaire de 186 milliards d'euros, le plus important parmi les différents impôts, la TVA représente presque 20% des prélèvements obligatoires de la France en 2021. Recentrer la TVA sur son objectif de financement des services publics implique de protéger son assiette de l'érosion entamée par deux phénomènes : la fraude fiscale d'une part, nous allons y revenir et les taux réduits, qui représentent 47 milliards d'euros de manque à gagner par an, soit l'équivalent de 27 % du rendement de la TVA.

D'autre part, et contrairement à l'intuition répandue, la baisse de la TVA n'est pas le meilleur vecteur pour relancer l'économie et lutter contre l'inflation, pour faire face au choc énergétique ou encore relever les défis du changement climatique. D'autres outils sont bien plus efficaces que la baisse des taux de TVA pour remplir ces objectifs, souvent pour un coût nettement moindre.

BH : Concernant les taux réduits, le rapport souligne leur faible efficacité pour redonner du pouvoir d'achat et pour favoriser la relance de l'économie. Pouvez-vous nous expliquer les ressorts de ce phénomène contre-intuitif ?

F-R B : A titre liminaire, il faut rappeler que l'application des taux réduits de TVA est strictement encadrée par la Directive TVA de 2006 qui la réserve à une liste de biens et services limitativement définis. Une directive du 5 avril 2022 n'a que faiblement relâché la marge de manœuvre des Etats, notamment en ce qu'ils peuvent prévoir des taux zéro, mais n'a pas significativement étendu la liste des biens et services éligibles au taux réduit.

Pour répondre à votre question, les évaluations existantes, peu nombreuses d'ailleurs, démontrent la faible efficacité des taux réduits pour atteindre des objectifs en matière de soutien à un secteur aussi bien en termes d'emploi que de pouvoir d'achat. Il y a deux raisons à cela. Pour qu'un taux réduit soit efficace, il faut que la baisse du taux se transmette aux prix. Or, cette transmission aux prix est en pratique très incertaine. La baisse de taux dans le secteur de la restauration à la fin des années 2000 n'aura eu de répercussion sur les prix qu'à proportion de 20 % de cette baisse. Par ailleurs, quand la transmission sur les prix est plus significative, une baisse du taux de TVA a un coût nécessairement plus élevé pour les finances publiques qu'une aide directe, laquelle peut être ciblée sur les ménages modestes là où la baisse du taux profitera à l'ensemble des ménages quel que soit leur niveau de vie.

On pourra également rappeler que les entreprises doivent maîtriser les différents périmètres d'application particulièrement complexes des taux réduits et assumer avec une dose certaine d'incertitude les choix qu'elles font dans l'application de ces taux.

On connaît bien certains exemples classiques de complexité, tels que le taux réduit applicable au chocolat ou à la vente de nourriture à emporter en supermarché. Toutefois, avec le développement des offres composites dans l'économie numériques, c'est-à-dire d'offres composées de plusieurs éléments taxables individuellement à des taux différents, les incertitudes se sont multipliées. On peut ainsi penser aux offres de télévision qui peuvent cumuler, sur plusieurs écrans, un service de télévision linéaire taxé au taux réduit, un service de rediffusion (replay) au taux normal mais indissociable du linéaire, voir des services de streaming annexes d'autres contenus.

BH : Parmi toutes ces mutations, commençons par le « groupe TVA » qui peut s'appliquer depuis cette année 2023. Pouvez-vous nous rappeler les enjeux de cette nouveauté juridique et ses effets induits ?

F-R B : Le groupe TVA va au-delà d'une simple question de recouvrement de l'impôt : il se distingue ainsi de mécanismes de consolidation du paiement de la TVA entre sociétés d'un même groupe, lesquels ne sont ouverts au demeurant en France qu'aux seules grandes entreprises.

Le groupe TVA revient à modifier le calcul même de l'impôt avec le non-assujettissement à la TVA des opérations intra-groupe et la disparition de la charge fiscale correspondante et des droits à déduction corrélatifs. Son introduction en France vise avant tout à répondre aux rémanences de TVA du secteur financier et d'autres secteurs exonérés, puisque comme on le verra ces secteurs ne peuvent déduire la TVA amont, créant des rémanences qui nuisent à leur compétitivité. Le risque de rémanence a en effet aggravé avec la jurisprudence de la CJUE restreignant le périmètre de l'exonération prévue en faveur des services rendus par les groupements de personnes (CGI art. 261 B).

Le rapport fait le constat que le groupe TVA a été conçu de manière large mais s'avère peu intéressant en pratique pour les secteurs économiques qui ne sont pas ou que partiellement exonérés de TVA. En effet, la sortie du champ d'application de la TVA des transactions intra-groupe les fait de facto entrer dans le coefficient d'assujettissement à la taxe sur les salaires. Les entreprises de secteurs jusqu'ici peu habitués à cet impôt pourraient s'y découvrir assujettis en cas d'intégration à un groupe TVA. C'est pourquoi le rapport propose de modifier les règles d'assujettissement à la taxe sur les salaires pour que l'intégration dans un groupe TVA ne provoque plus d'effets collatéraux indésirables.

BH : Quels sont plus largement les enjeux actuels de la TVA pour le secteur financier ?

F-R B : Comme on l'a vu, le secteur financier français, pourtant rendant des services exonérés de TVA, est pénalisé par l'assujettissement à la taxe sur les salaires et par les rémanences de TVA qui augmentent avec l'intensité technologique des activités financières, créant une charge de TVA non déductible.

Les réformes récentes vont toutefois partiellement alléger cette charge : d'une part le groupe TVA mais aussi la réforme de l'option pour la taxation à la TVA de certaines opérations. L'option permet aux clients de l'assujetti qui opte d'exercer leurs droits à déduction et elle peut s'exercer depuis 2023 opération par opération.

Plus largement, les travaux d'harmonisation au niveau européen concernant la taxation des services financiers piétinent alors qu'avec le Brexit, le Royaume-Uni a toute latitude pour accorder à sa place financière le double avantage de l'exonération des opérations financières tout en préservant les droits à déduction des preneurs.

Il faudrait réfléchir à cette problématique dans un cadre multilatéral plus large. Le CPO propose que le comité des affaires fiscales de l'OCDE qui traite déjà de TVA ajoute à ses travaux une réflexion pour contrer les situations de double avantage en TVA.

BH : La montée en puissance de l'économie numérique, et notamment l'économie des plateformes, participe de l'accélération des réformes en matière de TVA. Pouvez-vous nous rappeler les enjeux de la facturation électronique et du guichet unique ?

F-R B : Pour adapter le cadre juridique de la TVA à la numérisation exponentielle de l'économie, plusieurs réformes ont été engagées pour simplifier le régime des entreprises de bonne foi et renforcer les outils du contrôle fiscal.

Ainsi, une série de directives européennes a permis aux entreprises réalisant des opérations internationales au bénéfice de clients étrangers (B to C), d'avoir recours à des guichets uniques au lieu de devoir s'immatriculer dans chaque Etat où se situent leurs consommateurs. Cette possibilité d'immatriculation unique, qui permet aux entreprises de satisfaire à toutes leurs obligations d'identification, de déclaration et de paiement auprès d'un seul portail électronique a d'abord été prévue pour les services en deux vagues à partir de 2004 et 2015 et a été ensuite étendue au 1er juillet 2021 à la vente à distance de biens à un consommateur final et aux biens importés de faible valeur (moins de 150 €).

Par ailleurs, sur ce terrain du contrôle fiscal, l'obligation de facturation électronique, qui entrera progressivement en vigueur en France entre 2024 et 2025 selon la taille de l'entreprise émettrice, va représenter un changement sans précédent.

En pratique, les factures seront déposées sur une plateforme publique dématérialisée ou des plateformes privées agréées, qui permettront de gérer la conservation des factures qui représentait jusqu'à maintenant un coût de gestion non négligeable pour les entreprises. Surtout, les informations contenues sur les factures pour les opérations en B to B (e-invoicing) et les données journalières agrégées de transaction pour les opérations en B to C (e-reporting) seront accessibles en temps réel par l'administration, ce qui va constituer un précieux outil à la main de l'administration pour connaître en temps réel ce qui se facture et se déduit et identifier plus rapidement l'émergence de nouvelles fraudes.

En parallèle, la Commission européenne réfléchit à un système harmonisé de e-invoicing/e-reporting électronique au niveau européen qui permettrait notamment de suivre au jour le jour les opérations transfrontalières.

Enfin, à compter de 2024, les prestataires de service de paiement (et notamment aux banques) devront transmettre aux administrations les données sur les paiements transfrontaliers réalisés au bénéfice de comptes bancaires dont on peut supposer qu'ils sont utilisés pour une activité économique (plus de 25 transactions par mois). Tous les paiements seront concernés, qu'ils soient réalisés avec une carte bleue ou un IBAN, dès lors que le compte bancaire du payeur et du bénéficiaire sont rattachés à des Etats différents, y compris les paiements de consommateurs européens à des comptes bancaires hors UE.

La Commission européenne a pour objectif que les données issues de la facturation électronique en temps réel puissent être recoupées quelques mois après (et non pas en temps réel) avec les données de paiement transfrontalier transmises par les opérateurs bancaires à la base de données européenne. Un tel système pourrait être en place à compter de 2028.

Corrections symétriques et droit à l'oubli : qui doit prouver l'erreur délibérée ?

CE 15-6-2023 n° 464997

C'est à l'administration qu'incombe la charge de prouver le caractère délibéré de l'erreur faisant obstacle à la correction symétrique des bilans. Il en est de même lorsque le contribuable invoque le droit à l'oubli d'erreurs commises depuis plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit.

En application de l'article 38, 2 et 4 bis du CGI, les erreurs ou omissions entachant les écritures comptables retracées au bilan de clôture d'un exercice ou d'une année d'imposition qui entraînent une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net de l'entreprise peuvent, à l'initiative du contribuable qui les a involontairement commises ou à celle de l'administration exerçant son droit de reprise, être réparées dans ce bilan. Lorsque les mêmes erreurs ou omissions se retrouvent dans les écritures de bilan des exercices antérieurs telles que retenues pour la détermination du résultat fiscal, elles doivent y être symétriquement corrigées, pour autant que l'administration n'établisse pas qu'elles revêtent, pour le contribuable qui les invoque, un caractère délibéré.

Si la règle de l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit pose une limite aux corrections symétriques, elle ne s'applique pas lorsque le contribuable apporte la preuve que les écritures correspondantes procèdent d'erreurs ou omissions commises au cours d'un exercice clos plus de sept ans avant l'ouverture dudit exercice. Le Conseil d'Etat précise que la preuve du caractère délibéré des erreurs ou omissions privant le contribuable du bénéfice du « droit à l'oubli » incombe à l'administration.

A noter : La jurisprudence exclut du mécanisme des corrections symétriques les erreurs ou omissions délibérément commises par le contribuable ( CE 5-12-2016 no 398859). Le présent arrêt précise que la preuve du caractère délibéré des erreurs ou omissions pèse sur l'administration lorsque le contribuable en demande la correction.

S'agissant de la perte du bénéfice du « droit à l'oubli », le Conseil d'État considère que la preuve mise à la charge de l'entreprise par les dispositions de l'article 38, 4 bis du CGI ne porte que sur l'intervention de l'erreur ou de l'omission plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit et non sur son caractère involontaire.

Tribune - Provision pour hausse des prix : le retour en force d'un mécanisme fiscal de soutien à la trésorerie des entreprises

En période inflationniste, le mécanisme de la provision pour hausse des prix prévu à l'article 39 du CGI connaît un regain d'intérêt en tant qu'amortisseur de la hausse des prix sur la trésorerie de l'entreprise. Matthieu Leroux, avocat fiscaliste chez PwC Société d'Avocats, détaille ce dispositif et analyse l'ensemble des particularités de calcul de la provision, son rapport aux résultats ainsi que les règles de comptabilisation et de déclaration.

  • Matthieu LEROUX

Le grand retour de l'inflation est l'occasion pour les entreprises qui cherchent à en limiter les effets sur leur trésorerie de (re)découvrir le levier fiscal que peut constituer la provision pour hausse des prix (« PHP »).

Ce dispositif prévu à l'article 39, 1-5°-al. 11 à 14 du CGI permet aux entreprises de provisionner et déduire de leur résultat fiscal les hausses de prix supérieures à 10 % constatées (au cours d'une période ne pouvant excéder deux exercices successifs) sur une matière ou un produit donné. Cette provision est rapportée de plein droit au résultat fiscal de l'exercice en cours à l'expiration d'un délai de six ans suivant sa comptabilisation.

Champ d'application de la provision

Des PHP peuvent être constituées :

- d'une part, par les entreprises exerçant une activité industrielle ou commerciale et soumises à l'impôt sur le revenu d'après leur bénéfice réel (régime normal ou simplifié d'imposition) ;

- et, d'autre part, par les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés, quelles que soient leur forme et la nature de leur activité (BOI-BIC-PROV-60-30-10 n° 1).

L'ensemble des matières, produits et approvisionnements en stock, quelle qu'en soit la nature, ouvrent droit à la PHP à condition, bien entendu, que leur prix ait subi une hausse suffisante.

Seuls les stocks peuvent donner lieu à la constitution de provisions pour hausse des prix, à l'exclusion, par conséquent, des travaux en cours (BOI-BIC-PROV-60-30-10 n° 30).

Calcul de la dotation annuelle

Ce calcul est effectué d'après les éléments figurant réellement dans le stock de clôture de l'exercice considéré.

Le montant maximal de la dotation pouvant être porté au compte « Provision pour hausse des prix » est pour chaque matière, produit ou approvisionnement, déterminé, à la clôture de chaque exercice, en multipliant les quantités de ladite matière ou dudit produit ou approvisionnement existant en stock à la date de cette clôture par la différence entre :

1° la valeur unitaire d'inventaire de la matière, du produit ou de l'approvisionnement à cette date ;

2° une somme égale à 110 % de sa valeur unitaire d'inventaire à l'ouverture de l'exercice précédent ou, si elle est inférieure, de sa valeur unitaire d'inventaire à l'ouverture de l'exercice considéré.

Autrement dit, une entreprise ne peut constituer une PHP à la clôture d'un exercice à raison d'une matière, d'un produit ou d'un approvisionnement donné, que si la valeur unitaire d'inventaire de ladite matière ou dudit produit ou approvisionnement à la date de cette clôture est supérieure à 110 % de sa valeur unitaire d'inventaire à l'ouverture de l'exercice précédent ou à l'ouverture de l'exercice considéré.

Lorsqu'elle est déterminée en partant de la valeur unitaire à l'ouverture de l'exercice précédent, la dotation ainsi obtenue est, le cas échéant, diminuée du montant de la dotation effectivement pratiquée à la clôture dudit exercice (article 10 nonies de l'Annexe 3 au CGI).

Le montant de la dotation à la PHP est plafonné à 15 millions d'euros par période de douze mois, au titre de chaque exercice, majoré le cas échéant d'une fraction égale à 10 % de la dotation à cette provision déterminée avant plafonnement (article 39, 1-5°-al. 11 du CGI). Toutefois, pour les entreprises dont la durée moyenne de rotation des stocks est supérieure à un an, ce plafond est multiplié par cette durée moyenne, exprimée en mois, divisée par douze.

Quantités de matières, produits et approvisionnements

La dotation susceptible d'être portée au compte de PHP à la clôture de chaque exercice est, dans tous les cas, calculée en fonction des quantités de chaque matière, produit et approvisionnement effectivement inventoriés à la date de cette clôture (CGI ann. III art. 10 nonies, 1).

À cet égard, la doctrine administrative précise que le droit à la constitution d'une PHP doit être apprécié distinctement pour chaque matière, produit ou approvisionnement de nature différente (BOI-BIC-PROV-60-30-10 n° 90).

Ainsi, les entreprises dont les produits en stock à la clôture d'exercices successifs ne sont pas de même nature – et par suite ne sont pas strictement comparables – se trouvent, en principe, exclues, à raison desdits produits, du champ d'application de la PHP.

Cependant, la doctrine administrative apporte une atténuation bienvenue en précisant que, en cas de contrôle fiscal, le service devra faire une appréciation libérale du caractère comparable des produits en stock et ne devra pas refuser le droit à la constitution d'une provision en ce qui concerne les produits qui, bien que quelque peu différents par nature de ceux existants à l'ouverture de l'exercice considéré ou de l'exercice précédent, ont des valeurs d'inventaire comparables à celles conférées à ces derniers produits, la différence de prix constatée provenant essentiellement d'une hausse des prix (BOI-BIC-PROV-60-30-10 n° 100).

Valeurs unitaires d'inventaire

La doctrine administrative précise que les valeurs unitaires d'inventaire dont il doit être fait état pour l'appréciation du droit à la PHP et le calcul de ladite provision sont les évaluations d'inventaire conférées à chacune des matières et à chacun des produits et approvisionnements en stock, c'est-à-dire le prix de revient, diminué, le cas échéant, du montant de la dépréciation qui a pu être constatée par voie de provision (BOI-BIC-PROV-60-30-10 n° 180).

Exemples de calcul de la PHP

Clôture

Hypothèses

N-2N-1NProvision à constituer en N
1100110120120 – (100 x 1,1) = 10
2100120140140 – (100 x 1,1) = 30 – PHP N – 1 [soit 120 – (100 x 1,1)] = 20
3110100115115 – (100 x 1,1) = 5
4100120115Pas de provision en N si provision passée en N-1

Comptabilisation de la provision

Pour être admise en déduction des bases de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, la PHP doit avoir été effectivement constatée dans les écritures de l'exercice (article 39-1-5e, al. 1 du CGI).

Par ailleurs, elle doit figurer sur le tableau des provisions qui doit être joint à la déclaration des résultats de chaque exercice (BOI-BIC-PROV-60-30-20 n° 10).

La PHP doit être inscrite au passif du bilan de l'entreprise sous une rubrique spéciale faisant ressortir séparément le montant des dotations de chaque exercice (article 10 decies de l'Annexe 3 au CGI). Cette obligation se justifie par le fait que l'époque du rapport de la provision aux bénéfices imposables est différente pour chaque dotation.

La PHP a un caractère facultatif : les entreprises peuvent s'abstenir de la pratiquer ou de pratiquer la provision maximale.

A cet égard, lorsqu'une entreprise ne constitue pas à plein la PHP à laquelle elle peut prétendre, il lui appartient de répartir le montant de la dotation pratiquée entre les diverses matières et les divers produits ou approvisionnements pour lesquels elle a calculé la dotation (BOI-BIC-PROV-60-30-20 n° 30).

La doctrine administrative précise que, aucune disposition ne la limitant au bénéfice de chaque exercice, la PHP peut notamment :

- être opérée ou constituée, même lorsque les résultats de l'exercice avant ou après déduction, s'il y a lieu, des déficits antérieurs, sont déficitaires ;

- rendre déficitaire un exercice qui, sans elle, eût été bénéficiaire (BOI-BIC-PROV-60-30-20 n° 40).

En pratique, les entreprises déficitaires (ou appartenant à un groupe d'intégration fiscale déficitaire) auront généralement intérêt à ne pas inscrire de PHP, tandis que les entreprises bénéficiaires et payeuses d'impôt auront en principe intérêt à calibrer la PHP de sorte à éviter la création d'un déficit reportable.

Rapport de la provision aux bénéfices imposables

Sous réserve du cas particulier des entreprises pour lesquelles la durée normale de rotation des stocks est supérieure à trois ans, la PHP constituée à la clôture d'un exercice est rapportée de plein droit aux bénéfices imposables de l'exercice en cours à l'expiration de la sixième année suivant la date de cette clôture (l'article 39, 1-5°-al. 12 du CGI).

Ainsi, pour une entreprise dont les exercices coïncident avec l'année civile, la PHP déduite des résultats de l'exercice N devra être rattachée aux bénéfices imposables de l'exercice qui sera arrêté le 31 décembre N+6.

Toutefois, s'agissant d'une provision purement fiscale, la doctrine administrative précise que l'entreprise conserve la faculté de réintégrer spontanément la PHP, pour quel que motif que ce soit, avant l'expiration de ce délai (BOI-BIC-PROV-60-30-30 n° 10).

En pratique, la réintégration spontanée de la PHP avant l'expiration du délai légal peut intéresser notamment les entreprises souhaitant éviter la constatation d'un déficit fiscal (dont le report en avant est plafonné) au titre d'un exercice suivant la dotation de la PHP.

Par dérogation à cette règle générale, la réintégration de la PHP dans les bénéfices peut être effectuée, après la sixième année, dans les secteurs professionnels où la durée normale de rotation des stocks est supérieure à trois ans. Dans ce cas, les entreprises effectuent la réintégration dans un délai double de celui de la rotation des stocks (article 39, 1-5°-al. 12 du CGI).

Par exemple, pour une entreprise dont la durée de rotation du stock est de trois ans et cinq mois, la PHP constituée à la clôture d'un exercice donné peut n'être rapportée qu'aux résultats de l'exercice en cours six ans et dix mois après la clôture de l'exercice considéré.

En cas de cession ou de cessation d'activité, les PHP précédemment constituées et non encore rapportées aux bases de l'impôt deviennent sans objet et doivent donc, en principe, être rattachées aux bénéfices immédiatement imposables.

Il en est de même dans le cas où l'entreprise, changeant d'objet ou de mode d'exploitation, a cédé la totalité de son stock (Article 10 duodecies, 1 de l'Annexe 3 au CGI).

Toutefois, des dérogations à cette règle sont prévues notamment en cas de fusion ou d'apport partiel d'actif (Article 10 duodecies, 2 de l'Annexe 3 au CGI.

Obligations déclaratives

Les entreprises ayant comptabilisé une PHP doivent fournir au service des impôts, à l'appui de la déclaration des résultats de chaque exercice, tous renseignements utiles sur les éléments de calcul de la PHP et notamment :

- les quantités de chacune des matières et de chacun des produits et approvisionnements existant à la clôture de l'exercice considéré et à raison desquels l'entreprise entend pratiquer une provision ;

- la valeur unitaire d'inventaire de chacun des éléments à la clôture dudit exercice et ses valeurs unitaires d'inventaire à l'ouverture et à la clôture de l'exercice précédent ;

- le montant de la dotation au compte « Provision » pouvant être pratiquée à la clôture de l'exercice considéré ;

- le montant de la dotation effectivement pratiquée ;

- et, le cas échéant, le montant de la dotation antérieure qui a été rapportée au bénéfice imposable (Article 10 terdecies, 1 de l'Annexe 3 au CGI).

Les entreprises dont la durée normale de rotation des stocks est supérieure à trois ans doivent, si elles entendent se prévaloir de l'extension du délai de rapport des provisions aux bénéfices imposables, joindre à la déclaration des résultats une note faisant connaître les divers éléments ayant servi à la détermination de cette durée (Article 10 terdecies, 2 de l'Annexe 3 au CGI).

La proposition de rectification doit être notifiée à l'adresse connue à la date d'envoi

CE 9e-10e ch. 12-7-2023 n° 465351, min. c/ B.

Le Conseil d'État précise les conditions de validité d'une notification dans le cas particulier où le pli contenant la proposition de rectification et le courrier du contribuable indiquant sa nouvelle adresse se sont croisés.

Pour être régulière et interrompre la prescription, une proposition de rectification doit être notifiée à la dernière adresse que le contribuable a communiquée à l'administration fiscale. En cas de déménagement, l'intéressé doit informer l'administration de sa nouvelle adresse. Que se passe-t-il si cette information parvient à l'administration après l'envoi de la proposition de rectification mais avant sa présentation à l'ancienne adresse du contribuable ?

Le Conseil d'État précise qu'il y a lieu de se placer à la date d'envoi du pli pour déterminer la dernière adresse connue de l'administration. La notification envoyée avant que l'administration soit informée du changement interrompt donc la prescription à la date où elle est présentée à l'ancienne adresse du contribuable même si, entre-temps, l'administration a eu connaissance de la nouvelle adresse. L'administration est cependant tenue de procéder à une nouvelle notification, à la nouvelle adresse du contribuable, sauf si celui-ci a eu connaissance, en temps utile, de la proposition notifiée à son ancienne adresse.

A noter : Le présent arrêt opère une dissociation exceptionnelle entre le caractère interruptif de prescription d'une notification et sa régularité au regard de la procédure contradictoire.

Le défaut de notification d'un acte à tous les débiteurs solidaires ne vicie pas toute la procédure

Cass. com. 30-8-2023 nos 20-23.653 FS-BR et 21-12.307 F-BR

L'irrégularité d'un acte qui n'est pas notifié à tous les redevables solidaires de droits d'enregistrement entache les actes subséquents mais non la totalité de la procédure. Elle n'entraîne donc pas toujours la décharge des droits et pénalités.

En matière de droits d'enregistrement, la Cour de cassation juge de manière constante que, si l'administration peut notifier une proposition de rectification à l'un seulement des redevables solidaires de la dette fiscale, elle doit notifier les actes suivants à tous ces redevables, tout au long de la procédure de rectification, de la procédure de recouvrement et de la procédure contentieuse.

Alors que cette obligation paraissait prescrite dans tous les cas à peine de nullité de l'ensemble de la procédure, la Haute Juridiction vient de poser le principe que l'irrégularité résultant du défaut de notification d'un acte de la procédure administrative à tous les redevables solidaires n'atteint la procédure qu'après l'acte qui n'a pas fait l'objet d'une notification régulière.

Ainsi, le défaut de notification d'un acte de la procédure de rectification à tous les redevables solidaires entraîne l'irrégularité des actes subséquents, l'annulation de l'acte de mise en recouvrement et la décharge des droits et pénalités. En revanche, si l'irrégularité intervient au cours de la phase contentieuse préalable, elle n'entraîne pas la décharge des droits et pénalités mais remet uniquement les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la notification irrégulière.

A noter : La Cour de cassation souligne que l'administration peut régulariser la procédure en procédant à une nouvelle notification tant que la prescription n'est pas acquise. Une telle régularisation ne peut intervenir en cours d'instance.

Charge de la preuve lorsque le fisc s'écarte favorablement de l'avis de la commission des impôts

CE 12-7-2023 n° 463709

En présence de graves irrégularités comptables, la preuve en cas de réclamation demeure à la charge du contribuable lorsque l'administration ne s'écarte de l'avis de la commission des impôts que dans un sens favorable à l'intéressé.

Lorsque, dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire, le désaccord entre le contribuable et l'administration a été soumis à la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la charge de la preuve en cas de réclamation incombe au contribuable dans l'hypothèse où la comptabilité comporte de graves irrégularités et où l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission (LPF art. L 192, al. 2).

Le Conseil d'État précise que pour l'application de ces dispositions, l'administration doit être regardée comme ayant établi l'imposition conformément à l'avis de la commission lorsqu'elle ne s'écarte, le cas échéant, de cet avis, que dans une mesure favorable au contribuable. La preuve demeure donc, dans ce cas, à la charge de ce dernier.

À noter Cette décision infirme la jurisprudence de la cour de Paris (CAA Paris 10-3-2016 no 14PA03446).

La solution devrait valoir également lorsque c'est le comité de l'abus de droit fiscal ou le comité consultatif du crédit d'impôt pour dépenses de recherche qui est saisi puisque les règles de preuve prévues par l'article L 192, alinéa 2 du LPF s'appliquent de la même manière en cas d'intervention de ces comités.

Intérêt de retard : décompte en cas de paiement des impositions avant notification du redressement

CE 14-4-2023 n° 467622

En cas d'insuffisance de déclaration, le décompte de l'intérêt de retard est, lorsque les impositions omises ont été payées avant notification de la proposition de rectification, arrêté au dernier jour du mois du paiement, et non au dernier jour du mois de cette proposition.

Selon le 4 de l'article 1727-IV du CGI, en cas d'insuffisance de déclaration, le décompte de l'intérêt de retard est arrêté au dernier jour du mois de la proposition de rectification.

Le Conseil d'État juge que ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que ce décompte soit arrêté au dernier jour du mois du paiement des impositions omises, conformément au 1 du même article, lorsque le contribuable a procédé à ce paiement avant la notification de cette proposition.

A notre avis : Cette décision, qui met fin aux divergences des juges du fond (CF-VIII-8520 s.), est la bienvenue. L'application de l'intérêt de retard jusqu'au dernier jour du mois de la proposition de rectification entraînerait, dans la situation visée, un enrichissement sans cause de l'État puisque celui-ci est désintéressé par le paiement intervenu antérieurement à cette proposition. Il conférerait à l'intérêt de retard, pour la période postérieure à la date de paiement, le caractère d'une sanction, alors qu'il est seulement destiné à compenser le préjudice subi par le Trésor public du fait de l'encaissement tardif de sa créance.

Les acomptes versés avant que l'imposition soit établie ne font pas courir d'intérêts moratoires

CE 5-6-2023 n° 465559

Les intérêts moratoires dus par l'administration en cas de dégrèvement contentieux prononcé à la suite d'une erreur dans l'assiette ou le calcul de l'impôt ne peuvent pas courir avant l'établissement de l'imposition en cause et donc à compter du versement d'éventuels acomptes.

En cas de dégrèvement prononcé par un tribunal ou par l'administration à la suite d'une réclamation portant sur une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au versement d'intérêts moratoires calculés à compter du jour du paiement des impositions concernées (LPF art. L 208, al. 1).

Le Conseil d'Etat précise que les intérêts ne peuvent pas courir au titre d'une période antérieure à l'établissement de l'impôt en cause, indépendamment de l'éventuel versement d'acomptes. Ainsi, en cas de dégrèvement de CVAE, les intérêts ne peuvent pas courir à raison d'une période antérieure à la liquidation du solde de la cotisation et donc à compter du versement de chaque acompte.

Il rejoint ainsi la doctrine administrative ( BOI-CTX-DG-20-50-30 no 60 à 80), infirmant la jurisprudence adoptée jusqu'ici par les juges du fond (TA Melun 3-10-2019 no 1703756 ; TA Montreuil 30-6-2020 no 1903767, 1907448).

A noter : Si la solution dégagée à propos de la CVAE, supprimée à compter de 2024, présente un intérêt limité, la décision pose un principe général qui, comme le souligne le rapporteur public dans ses conclusions, est susceptible de s'appliquer aux autres impôts donnant lieu au versement d'acomptes, tel l'impôt sur les sociétés, ou à des moyens de recouvrement similaires comme le prélèvement à la source pour l'impôt sur le revenu.

L'entretien avec le supérieur hiérarchique n'est pas de droit dans le cas d'un contrôle sur pièces

CE 14-4-2023 n° 467067

Si la proposition de rectification faisant suite à un contrôle sur pièces peut faire l'objet d'un recours hiérarchique, l'entretien avec le supérieur hiérarchique de l'agent ayant effectué le contrôle n'est pas de droit.

Conformément aux dispositions de l'article L 54 C du LPF, la proposition de rectification faisant suite à un contrôle sur pièces peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours hiérarchique qui suspend le cours de ce délai.

Le Conseil d'État souligne que ces dispositions ne prévoient aucun droit à un entretien.

A noter : Le Conseil d'État se prononce dans le cadre d'un recours en annulation du BOI-CF-PGR-30-10 et s'en tient ici à la lettre de la loi qui prévoit la possibilité, et non l'obligation, de mettre en oeuvre le recours hiérarchique dans le cas d'un contrôle sur pièces.

L'amende pour omissions ou inexactitudes dans les factures est conforme à la Constitution

Cons. const.16-6-2023 n° 2023-1054 QPC

Le montant de l'amende est considéré comme proportionné au regard de l'objectif de lutte contre la fraude poursuivi par le législateur.

Les dispositions de l'article 1737, II du CGI, qui sanctionnent d'une amende fiscale de 15 € chaque omission ou inexactitude constatée dans une facture ou un document en tenant lieu dont l'établissement est exigé par les articles 289 et 290 quinquies du même Code et prévoient que le montant total des amendes concernant une même facture est plafonné à 25 % du montant qui y est ou aurait dû y être mentionné, sont conformes à la Constitution.

Les Sages soulignent que cette amende a été instaurée en vue de servir l'objectif constitutionnel de lutte contre la fraude fiscale et considèrent que son montant n'est pas manifestement disproportionné au regard de la gravité des manquements que le législateur a entendu réprimer.

A noter : L'amende sanctionne non seulement les omissions ou inexactitudes concernant les mentions obligatoires devant figurer sur les factures, telles que prévues par l'article 242 nonies A de l'annexe II au CGI, mais également les mentions facultatives ( CE 21-5-2014 no 364610).

Rappelons, par ailleurs, que si l'amende peut être appliquée sur l'ensemble des factures émises au titre d'une même période, même en l'absence de caractère intentionnel des anomalies constatées, elle n'est, toutefois, pas due en cas de première infraction commise au cours de l'année civile en cours et des trois années précédentes lorsque l'infraction a été réparée spontanément ou dans les 30 jours d'une première demande de l'administration (voir FR 2/23 inf. 42 nos 5 s.).

Amende pour omissions ou inexactitudes dans les factures : le Conseil constitutionnel est saisi

CE QPC 9e ch. 14-4-2023 n° 470761

Le Conseil constitutionnel est saisi de la conformité au principe de proportionnalité des peines de l'amende de 15 € prévue en cas d'omission ou d'inexactitude constatée dans les factures.

Les dispositions de l'article 1737, II du CGI prévoient l'application d'une amende de 15 € lorsqu'une omission ou une inexactitude est constatée dans les factures ou documents en tenant lieu mentionnés aux articles 289 et 290 quinquies du même Code. Le montant total des amendes dues au titre de chaque facture ou document est plafonné au quart du montant qui y est ou aurait dû y être mentionné.

Le Conseil d'État vient de transmettre au Conseil constitutionnel la question de savoir si ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et, plus particulièrement, au principe de proportionnalité des peines résultant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (question enregistrée sous le no 2023-1504 QPC).

A noter : 1. L'amende sanctionne les omissions ou inexactitudes dans les mentions obligatoires devant figurer sur les factures, visées à l'article 242 nonies A de l'annexe II au CGI. Toutefois, à défaut de précision particulière dans l'article 1737, II, elle est également susceptible de s'appliquer aux inexactitudes portant sur des mentions facultatives (en ce sens : CE 21-5-2014 no 364610).

2. Si l'amende peut être appliquée sur l'ensemble des factures irrégulières d'une entreprise émises au titre d'une même période, même en l'absence de caractère intentionnel des anomalies constatées, elle n'est en revanche plus due en cas de première infraction en vertu de l'article 1737, V du CGI (FR 2/23 inf. 42 nos 5 s.).

Les déficits relatifs à des exercices prescrits peuvent être contrôlés avant même leur imputation

CE 5-7-2023 n° 464928

L'administration est fondée à contrôler les déficits constatés en période prescrite, non seulement lorsqu'ils ont été imputés au titre d'exercices non prescrits, mais également, comme vient de le juger le Conseil d'État, sans attendre leur imputation lorsqu'ils ont été reportés faute de résultat bénéficiaire.

  1. On sait que, conformément à l'article L 169 du LPF, le droit de reprise de l'administration s'exerce pour l'impôt sur les sociétés et pour l'impôt sur le revenu jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. Toutefois, la période susceptible d'être vérifiéepar l'administration ne coïncide pas nécessairement avec la période non prescrite. En effet, d'une manière générale, la jurisprudence reconnaît à l'administration le droit de contrôler et de remettre en cause, le cas échéant, des déficits nés au cours d'exercices prescrits dès lors qu'ils ont été imputés par l'entreprise sur les résultats d'un exercice non prescrit (notamment CE 13-11-1987 no 56447). Le droit au report en avant des déficits subis par les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés étant illimité, le droit reconnu à l'administration de contrôler la réalité des déficits peut remonter sans limitation dans le temps.

Le Conseil d'État complète sa jurisprudence en jugeant que l'administration est fondée à exercer son pouvoir de contrôle et de rectification d'un déficit issu d'exercices antérieurs prescrits, dont l'entreprise déclare disposer à la clôture d'un exercice, alors même que ce déficit n'a pas été imputé sur les bénéfices de cet exercice, et est donc seulement susceptible d'affecter le résultat d'exercices ultérieurs par la voie du report déficitaire.

  1. Dans la présente affaire, les faitsétaient les suivants. Une société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur ses exercices clos de 2009 à 2011. Le résultat de ces derniers a été rectifié par l'administration en raison de l'identification d'un transfert indirect de bénéfices à l'étranger (CGI art. 57).

Sur ce même motif, l'administration a rectifié le stock de déficits dont disposait la société à l'ouverture du premier exercice non prescrit (2009) en faisant porter son contrôle sur le résultat déclaré au titre d'années antérieures (2003 à 2008).

Or la société, structurellement déficitaire sur toute cette période, soutenait que l'administration n'était pas fondée à vérifier l'existence et le montant des déficits déclarés au titre de ces exercices prescrits, alors que ces déficits, certes reportables sur des exercices postérieurs, n'avaient pas été imputés sur les résultats des trois exercices non prescrits sur lesquels la vérification de comptabilité avait porté.

Le Conseil d'État valide le raisonnement des juges du fond

  1. Les juges du fond ont estimé que l'administration était fondée à contrôlerles déficits d'exercices prescrits non imputés sur des exercices contrôlés non prescrits (TA Paris 20-3-2019 no 1620873 et 1705086 ; CAA Paris 13-4-2022 no 19PA01644).

La cour administrative d'appel a notamment estimé que « le report de déficits résultant d'exercices antérieurs prescrits sur des exercices déficitaires non prescrits […] ne relève pas d'une simple déclaration qui reste sans incidence, mais constitue l'un des éléments à prendre en compte pour déterminer le résultat fiscal des exercices non prescrits, même lorsqu'ils constatent un déficit fiscal », dès lors que « ces déficits issus des exercices antérieurs ont pour effet d'augmenter le déficit des exercices non prescrits et influent nécessairement sur les résultats servant de base à l'imposition, même si celle-ci est nulle, compte tenu de la situation fiscalement déficitaire ».

  1. Le Conseil d'État confirme cette position autorisant l'administration à contrôlerdes déficits d'exercices prescrits, y compris dans le cas où aucune conséquence immédiate ni concrète n'en a été tirée sur des exercices non prescrits.

Le rapporteur public Romain Victor exprime, dans ses conclusions, sa réticence à ce que l'on puisse brider les pouvoirs de contrôle de l'administration, et que celle-ci s'abstienne de faire porter son examen sur un stock de déficits reportables, pourtant susceptible d'avoir un effet sur des cotisations d'impôt sur les sociétés établies au titre d'exercices ultérieurs, alors que les dispositions de l'article 209, I du CGI garantissent au contribuable le report illimité de ces déficits sur ses éventuels bénéfices futurs.

Le contribuable conserve la possibilité d'un recours

  1. Au demeurant, le Conseil d'État précise que, dans l'hypothèse où l'administration procède à une telle rectification du montant du déficit reportable, l'entreprise a la faculté de la contester en application de l'article L 190 du LPF, dont le second alinéa dispose que « les réclamationsqui tendent à obtenir la réparation d'erreurs commises par l'administration dans la détermination d'un résultat déficitaire » relèvent de la juridiction contentieuse, « même lorsque ces erreurs n'entraînent pas la mise en recouvrement d'une imposition supplémentaire ».

L'essentiel du PLF pour 2024 en 10 points

Projet AN n° 1680

Riche d'une vingtaine d'articles fiscaux, le projet de loi de finances pour 2024 préparé par le Gouvernement est entre les mains des députés qui l'examineront en séance publique à partir du 17 octobre. Sélection des principales mesures.

Impôt sur le revenu des personnes physiques

  • Les limites des tranches du barème de l'impôtsur les revenus de 2023 seraient revalorisées de 4,8 %. La formule générale de calcul à partir de la valeur du quotient familial serait ainsi la suivante :

Valeur du quotient familialMontant de l'impôt sur le revenu
N'excédant pas 11 294 €0
De 11 294 € à 28 797 €(R × 0,11) − (1 242,34 € × N)
De 28 797 € à 82 341 €(R × 0,30) − (6 713,77 € × N)
De 82 341 € à 177 106 €(R × 0,41) − (15 771,28 € × N)
Supérieure à 177 106 €(R × 0,45) − (22 855,52 € × N)

Les limites des tranches de revenus des grilles de taux par défaut du prélèvement à la source (PAS) pour les revenus réalisés à compter du 1er janvier 2024 seraient également revalorisées.

  • Le crédit d'impôtpour dépenses d'équipement des logements en faveur des personnes âgées ou handicapées (CGI art. 200 quater A) serait prorogé pour deux ans et s'appliquerait aux dépenses payées jusqu'au 31 décembre 2025. Divers aménagements lui seraient apportés, en particulier son placement sous condition de ressources pour les dépenses payées à compter du 1er janvier 2024.

Imposition des résultats

  • Les régimesd'impôt sur les résultats et d'impôts locaux dans certaines zones du territoire (zones de revitalisation rurale, bassins d'emploi à redynamiser et zones de revitalisation des commerces en milieu rural) seraient refondus avec la définition d'un nouveau zonage dénommé France Ruralités Revitalisation combiné à un recentrage et une harmonisation des régimes à compter du 1er juillet 2024. Plusieurs autres régimes arrivant à expiration au 31 décembre 2023 seraient prorogés (dispositif des bassins urbains à dynamiser, des zones d'aides à finalité régionale, des zones de développement prioritaires, des zones de revitalisation du commerce en centre-ville, et dispositifs en faveur de la politique de la ville, notamment).
  • Le crédit d'impôt pour investissements en faveur de l'industrie verte, annoncé au printemps 2023, s'appliquerait, sous réserve d'autorisation par la Commission européenne en tant qu'aide d'État, aux projets faisant l'objet d'un agrément délivré, après avis conforme de l'Ademe, jusqu'au 31 décembre 2025 et dont la demande d'agrément est déposée à compter du 27 septembre 2023. Accordé au titre de certains investissements de production de batteries, panneaux solaires, éoliennes ou pompes à chaleur, le taux de ce crédit d'impôt varierait de 20 % à 60 % selon le lieu de réalisation de l'investissement et la taille de l'entreprise.
  • La directive (UE) 2022/2523 du 14 décembre 2022, dite « directive Pilier 2 », relative à l'imposition minimale de 15 % des groupes multinationaux serait transposée en droit interne pour une application aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023, à l'exception de la règle des bénéfices insuffisamment imposés, qui s'appliquerait aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2024.

TVA

  • La directive (UE) 2020/285 du 18 février 2020 sur le régime particulier de TVA des petites entreprisesserait transposée en droit interne pour une application à compter du 1er janvier 2025. En conséquence notamment, pour les assujettis en France, la franchise en base de TVA serait applicable si le chiffres d'affaires (CA) de l'année en cours n'excède pas 93 500 € (41 250 € pour les prestations de services autres que les ventes à consommer sur place et les prestations d'hébergement) et celui de l'année précédente 85 000 € (ou 37 500 € pour les prestations de services décrites ci-avant).
  • Plusieurs aménagements techniques seraient apportés au régime de TVA à l'importationet à celui des ventes à distance de biens importés, notamment pour lutter contre la fraude à la TVA dans les opérations dites de « dropshipping ».

A noter : En l'absence, dans le texte du projet, de disposition sur l'entrée en vigueur du dispositif de facturation électronique et de transmission de données, son report annoncé par le Gouvernement devrait faire l'objet d'un amendement au cours de la discussion parlementaire.

Impôts locaux

  • Alors que la suppression de la CVAEserait effective dès 2024 pour les redevables de la cotisation minimum, elle n'interviendrait qu'en 2027 pour les autres redevables. D'ici là, le taux d'imposition serait progressivement abaissé. Parallèlement, le taux du plafonnement de la CET serait adapté. Ainsi par exemple, pour les impositions établies au titre de 2024, il serait fixé à 1,531 % de la valeur ajoutée.
  • Les logements locatifs sociaux achevés depuis au moins 40 anspourraient bénéficier d'une exonération de taxe foncière de 15 ans (portée à 25 ans dans certains cas) après réalisation de travaux de rénovation lourde permettant notamment le passage d'une classe énergétique F ou G à une classe A ou B et le respect de certaines normes de sécurité d'usage et de qualité sanitaire.

Lutte contre la fraude

  • Les diverses mesures annoncées lors de la présentation du plan du Gouvernement de lutte contre la fraude fiscale sont insérées dans le projet :
  • le renforcement du contrôledes prix de transfert avec notamment l'abaissement à 150 M€ du seuil de chiffre d'affaires ou d'actif brut rendant obligatoire la constitution d'une documentation complète à présenter à l'administration dès l'engagement d'un contrôle et dont une version allégée doit lui être adressée chaque année (LPF art. L 13 AA) et le relèvement à 50 000 € du montant minimum de l'amende pour non-respect de cette obligation. De plus, lorsqu'au cours d'un contrôle, l'administration s'aperçoit que la méthode de détermination des prix de transfert déclarée n'a pas été suivie, l'écart constaté serait présumé constituer un transfert de bénéfice. Signalons également une mesure particulière de contrôle du prix de transfert des actifs ou droits incorporels difficiles à évaluer permettant à l'administration, dans un délai de reprise de six ans, de tenir compte de résultats postérieurs à la transaction pour rectifier la valeur de transfert retenue ;
  • la possibilité donnée aux agents de la DGFiP de procéder à des enquêtes actives sous pseudonyme sur des sitesinternet, réseaux sociaux et applications de messagerie ;
  • l'institution d'un délit de mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraudefiscale sanctionné par trois ans d'emprisonnement minimum et 250 000 € d'amende, portés respectivement à cinq ans et 500 000 € lorsque cette mise à disposition est réalisée en utilisant un service de communication au public en ligne ;
  • la création d'une nouvelle sanction pénaleen cas de fraude fiscale aggravée, sous forme d'une peine complémentaire de privation temporaire du droit au bénéfice de réductions et crédits d'impôt sur le revenu ou d'IFI.



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